Partie 1 : Les causes du raccourcissement des télomères et les effets sur le vieillissement




Partie 1 : Les causes du raccourcissement des télomères et les effets sur le vieillissement

Télomères et vieillissement -

Les causes du raccourcissement des télomères et les effets sur le vieillissement

De nombreuses études mettent en avant le fait que le raccourcissement des télomères est un phénomène associé à l’âge [1] [2]. Cependant, la vitesse de raccourcissement peut varier d’un individu à l’autre, sans que cela ne soit encore pleinement clarifié. Tout au long de cet article, nous allons alors nous intéresser aux nombreuses causes qui pourraient expliquer les différences de longueur de télomères d’un individu à l’autre.

Causes du raccourcissement accéléré des télomères à l’origine du vieillissement

De nombreux facteurs accélèrent le raccourcissement des télomères et le vieillissement

Les vitesses de raccourcissement des télomères sont différentes entre les hommes et les femmes [3]. En effet, une étude a démontré que chez un groupe d’homme et de femme de 48 ans, il y avait une différence significative de longueur de télomères d’environ 320 pb [3]. Le raccourcissement des télomères semblerait plus rapide chez les hommes que chez les femmes. La longueur des télomères étant associée à l’âge biologique et au vieillissement (voir : Les télomères : au cœur des processus de vieillissement), cette différence de vitesse de raccourcissement pourrait être un facteur expliquant que l’espérance de vie soit en moyenne plus grande chez les femmes que chez les hommes.

Il existe également des facteurs extérieurs qui peuvent accentuer le raccourcissement des télomères. On retrouve par exemple le tabac, le stress ou encore les conditions socioprofessionnelles [4]. Les facteurs relatifs au mauvais état de santé tels que l’obésité, l’état inflammatoire ou les maladies cardiovasculaires [4] entrent également en compte.

D’autres facteurs proviennent de notre génome directement, de telle sorte que ce dernier semble être programmé pour entraîner le vieillissement de l’organisme. Par exemple, l’ADN télomérique a une forte proportion de guanine dans sa séquence. Or, la guanine a un risque élevé d’oxydation en « 8 — oxo-guanine », un composé causant de nombreux dysfonctionnements dans le génome et difficilement réparable [4]. La composition même du télomère pourrait alors rendre sa conservation dans le temps difficile.

Tous ces facteurs peuvent accélérer le raccourcissement des télomères et accélérer le vieillissement.

Le stress accélère le vieillissement par le raccourcissement des télomères

Un état de stress psychologique au travail survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui imposent ses conditions de travail et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face. Si le stress n’est pas une maladie, une exposition prolongée au stress peut être délétère pour la santé, on parle alors de stress chronique [5].

De nombreuses études ont démontré qu’il existe un lien entre le stress chronique au travail et la dégradation de l’état de santé, par une augmentation du risque d’apparition de maladies cardiovasculaires et un affaiblissement du système immunitaire [6]. Si le mécanisme reliant le stress à la santé et au vieillissement n’a pas encore été parfaitement élucidé, on sait qu’il provoque des dérèglements dans le fonctionnement cellulaire. Or l’environnement cellulaire joue un rôle important lors de la régulation de la longueur des télomères et de l’activité de la télomérase. Des chercheurs ont mené une étude chez des femmes en bonne santé subissant différents niveaux de stress chronique, afin de déterminer si cela avait un impact sur la longueur des télomères et une influence sur l’âge physiologique [6].

Il a été observé que les individus subissant un stress plus important présentaient des télomères plus courts. En moyenne, on retrouve une différence de 550 pb dans la séquence télomérique, indépendamment de l’âge, entre les individus subissant un stress élevé et ceux subissant peu de stress au travail [6]. Cette différence est associée à une augmentation d’environ 10 ans de l’âge biologique [6].

Concernant l’activité de la télomérase chez le groupe subissant un stress élevé, elle est plus faible de 48 % en comparaison aux individus subissant un stress plus faible. Lorsque cette baisse de l’activité télomérase devient chronique, elle contribue également au raccourcissement accéléré des télomères [6].

Il a donc été démontré que le raccourcissement des télomères est influencé par des facteurs extracellulaires, tels que le stress psychologique au travail. Ce dernier serait fortement relié à l’augmentation du stress oxydatif, à une baisse de l’activité télomérase et à un raccourcissement accéléré des télomères. Tous ces facteurs auraient pour conséquence l’entrée prématurée des cellules en sénescence [6], avec un impact direct sur la durée de vie des cellules et sur l’âge physiologique.

Le tabac et le surpoids accélèrent le raccourcissement des télomères et le vieillissement

Le surpoids et le tabac sont deux facteurs qui pourraient augmenter le risque de développer des maladies liées à l’âge. En effet, en plus d’avoir des conséquences néfastes sur la santé comme l’augmentation de l’inflammation ou le développement d’un stress oxydatif, il semblerait que ces deux facteurs soient également en mesure d’accentuer la dégradation des télomères [7]. Mais qu’en est-il de leur influence le vieillissement physiologique ?

Effets de ces deux facteurs sur le raccourcissement des télomères et sur le vieillissement biologique

Des études comparatives sur la longueur des télomères ont été menées chez des femmes adultes entre 18 et 76 ans. Il a tout d’abord été observé que la longueur des télomères diminue de façon régulière avec l’âge : environ 27 pb par an [7].

Cependant, chez les femmes en surpoids, les télomères étaient plus courts de 240pb en comparaison aux femmes ayant une corpulence « normale ». Cette différence de longueur de télomère correspondrait à une augmentation de 8,8 ans de l’âge physiologique [7].

Concernant la cigarette, une relation de dépendance avec la dose consommée a été observée. Pour le groupe de fumeurs, chaque année il y a une perte supplémentaire de 5pb d’ADN télomérique, soit 18 % de perte en plus, que chez un individu non-fumeur. Cela a été associé à 4,6 ans d’âge biologique supplémentaire pour les fumeurs et de 7,4 ans de plus pour ceux ayant fumé 1 paquet par jour pendant 40 ans ou plus [7].

Cette étude est représentative de la grande diversité de vitesse de raccourcissement des télomères entre les individus. Ces deux facteurs de risques pour la santé, que sont le tabac et l’obésité, semblent alors avoir une influence directe sur l’espérance de vie.

Différentes vitesses de raccourcissements des télomères et de vieillissement en fonction du SSE

Le statut socio-économique (SSE) détermine la position qu’occupe un individu dans la société, en se rapportant à la combinaison de plusieurs facteurs sociaux et économiques. De nombreuses études ont démontré que chez les personnes ayant un niveau SSE faible, il y a un plus grand risque d’apparition de maladies cardiovasculaires, respiratoires, articulaires et psychologiques [8]. Les conditions socio-économiques défavorables pourraient alors induire une réduction de l’espérance de vie.

Des chercheurs ont utilisé la longueur des télomères comme indicateur biologique du vieillissement, afin de vérifier le lien avec le SSE. L’étude a été menée sur les globules blancs de 1552 femmes jumelles, dont la longueur des télomères a été mesurée. En parallèle, un questionnaire au sujet du mode de vie des participantes a été distribué concernant : la profession, le niveau d’études, les revenus, la cigarette, l’activité sportive, la taille et le poids.

L’origine du lien entre le SSE et le vieillissement accéléré par le raccourcissement des télomères

L’hypothèse selon laquelle cette différence pourrait avoir pour origine la pauvreté ou le manque n’a pas été avérée. En effet, il n’existe pas de lien prouvé entre le niveau de revenus et la longueur des télomères [9]. Cependant, une autre hypothèse pourrait expliquer ces disparités : celle du manque d’accès à l’information concernant les risques relatifs à la santé, en dépit du fait qu’il n’y ait pas de corrélation significative entre le niveau d’éducation et la longueur des télomères [9], lorsque tous les autres paramètres sont égaux. L’origine de ces différences de longueur de télomères entre les différents niveaux de SSE reste alors encore à déterminer.

Toutefois, cette étude a permis de mettre en avant le fait que les conditions socio-économiques défavorables accentuent l’influence qu’ont les facteurs extérieurs tels que le tabac, l’obésité et le manque d’exercice sur le raccourcissement des télomères.

Ainsi, il existe de nombreux facteurs pouvant avoir une influence sur la longueur des télomères [8]. On pourrait penser qu’il serait possible d’augmenter l’espérance de vie en agissant directement sur ces différents facteurs, même si les mécanismes expliquant le lien avec le vieillissement physiologie ne sont pas encore totalement élucidés.

 

SOURCES: 

Katidja Allaoui sur http://www.longlonglife.org/

 

[1] Blasco, M. (2007). Telomere length, stem cells and aging. Nature Chemical Biology, [online] 3 (10), pp.640-649. DOI :10.1038/nchembio.2007.38 [Accessed 22 May 2017]

[2] Shay, J. (2016). Role of Telomeres and Telomerase in Aging and Cancer. Cancer Discovery, [online] 6(6), pp.584-593. DOI :  10.1016/j.semcancer.2011.10.001 [Accessed 22 May 2017].

[3] Wolkowitz, O. M., Jeste, D. V., Martin, A. S., Lin, J., Daly, R. E., Reuter, C., & Kraemer, H. (2017). Leukocyte telomere length: Effects of schizophrenia, age, and gender. Journal of psychiatric research85, 42-48.

[4] Blasco, M. A. (2007). Telomere length, stem cells and aging. Nature chemical biology, 3(10), 640-649.

[5] http://www.journal-officiel.gouv.fr/publications/bocc/pdf/2009/0019/CCO_20090019_0019_0041.pdf

[6] Epel, E. S., Blackburn, E. H., Lin, J., Dhabhar, F. S., Adler, N. E., Morrow, J. D., & Cawthon, R. M. (2004). Accelerated telomere shortening in response to life stress. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 101(49), 17312-17315.

[7] Valdes, A.M. et al. Obesity, cigarette smoking, and telomere length in women. Lancet 366, 662–664 (2005).

[8] Balia, S., & Jones, A. M. (2008). Mortality, lifestyle and socio-economic status. Journal of health economics, 27(1), 1-26.

[9] Cherkas, L. F., Aviv, A., Valdes, A. M., Hunkin, J. L., Gardner, J. P., Surdulescu, G. L., … & Spector, T. D. (2006). The effects of social status on biological aging as measured by white‐blood‐cell telomere length. Aging cell, 5(5), 361-365.