Partie 5 : Les thérapies des télomères contre le vieillissement
Télomères et vieillissement : les thérapies
Les télomères sont des régions de l’ADN présents à chaque extrémité des chromosomes. Ils sont synthétisés par une enzyme, la télomérase [1]. Si l’on se penche sur la question des télomères dans le cadre de la lutte contre le vieillissement, c’est parce qu’une corrélation a été trouvée entre le raccourcissement des télomères et le vieillissement de l’organisme. Ce raccourcissement survient lors de la division cellulaire, mais de nombreux autres facteurs entrent en ligne de compte et peuvent aussi l’accélérer (sexe, stress, tabac, alcool, surpoids,…).
La longueur des télomères constitue donc une piste intéressante pour élaborer des thérapies afin de lutter contre le vieillissement. On peut citer l’exemple d’Elizabeth Parrish, PDG de Bioviva, une entreprise de biotechnologies aux Etats-Unis ; elle a testé sur elle-même une thérapie génique développée par son propre laboratoire, thérapie qui vise à rallonger de ses télomères afin de « rajeunir » [2]. Même si un allongement de ses télomères a été constaté et qu’elle affirme que ses cellules ont « rajeuni de 20 ans », la communauté scientifique se montre sceptique à ce sujet, car aucun article scientifique ni d’études précliniques n’avaient été réalisés sur cette thérapie avant qu’elle ne se l’administre.
Aucune thérapie n’a pour le moment prouvé son efficacité pour lutter contre le raccourcissement des télomères et ainsi rallonger l’espérance de vie humaine, mais quelques études ont déjà été réalisées et des modes d’action permettent d’allonger la durée de vie et d’améliorer la santé, en ciblant directement les télomères.
Une thérapie génique anti-vieillissement traitant la télomérase et fonctionnant sur les souris
Des expériences ont donc été menées sur des souris par des chercheurs en Espagne, afin d’augmenter leurs durées de vie ainsi que leur état de santé au cours du vieillissement [3].
Le but de cette expérience était de traiter des souris adultes (1 an) et âgées (2 ans) en leur injectant un virus (AAV) pouvant synthétiser de la télomérase de souris via la protéine TERT (telomerase reverse transcriptase). Leur durée de vie ainsi que leur santé générale ont ensuite été comparées à celles de souris saines du même âge. Les résultats ont montré que les souris traitées présentaient des améliorations au niveau de leur santé générale et de leur forme physique par rapport aux souris témoins, ainsi qu’une durée de vie plus importante que chez les souris témoins (+24% pour les souris de 1 an, et +13% pour les souris de 2 ans), tout cela sans pour autant constater de formation plus importante de tumeurs ou de cellules cancéreuses (un excès de télomérase peut être responsable d’une division cellulaire trop importante et donc de la création de tumeurs/cellules cancéreuses) [3].
Ces résultats permettent donc de prouver que sur des souris, cette thérapie agissant sur la télomérase permet de repousser la durée de vie tout en en améliorant ses conditions de vie. Elle constituerait donc une thérapie anti-âge efficace sur les souris, et potentiellement efficace sur d’autres mammifères, voire sur les humains dans le futur.
Des modes de vie permettent de lutter contre le raccourcissement des télomères et le vieillissement
Même si aucune thérapie n’est encore démontrée une efficacité chez l’humain, certains comportements et modes de vie permettent de prévenir le raccourcissement des télomères. D’après une étude menée par Masood A. Shammas, un chercheur du Cancer Institute à Boston, beaucoup de preuves tendent à confirmer que des modes de vie ont une influence sur la santé et l’espérance de vie en agissant directement sur la longueur des télomères [4]. Voici, d’après son étude, quelques facteurs pouvant influer sur la santé et l’espérance de vie en faisant raccourcir les télomères, et par conséquent quels réflexes modifier ou adopter afin de lutter contre ce raccourcissement.
Le surpoids et l’obésité provoquent une augmentation du stress oxydatif, due à une production déréglée d’adipocytokines et à la production d’agents oxydants dans les tissus adipeux. Le stress oxydatif pouvant provoquer des dommages sur l’ADN, il est fort probable qu’il provoque le raccourcissement des télomères, ce qui induit une grosse baisse de l’espérance de vie, d’environ 8,8 ans [4].
Il convient aussi de changer son alimentation de plusieurs manières : Tout d’abord, le fait de manger moins a un effet « anti-âge ». Grâce à des expériences sur des rats, il a été prouvé que la restriction calorique permettait de réduire le stress oxydatif, et donc les dommages sur l’ADN, mais aussi de faire baisser le taux d’hormones de croissance, ce qui permet de rester plus longtemps à un âge « jeune » et de faire augmenter l’espérance de vie jusqu’à 66% en limitant les aliments riches en protéines et en oxydants [4].
Manger des aliments riches en antioxydants permet de prévenir la réduction des télomères. En effet, selon une étude, manger des aliments riches en antioxydants, de type acide gras riches en Omega 3, est associée à la baisse du raccourcissement des télomères : le niveau en acides gras riches en Omega 3 dans le sang a été mesuré pendant 5 ans chez des adultes, en mesurant parallèlement la longueur de leurs télomères. Au bout de 5 ans, une corrélation a été remarquée entre le fait d’avoir un taux élevé de ces acides gras et d’avoir des télomères plus longs [4].
Enfin, la consommation de fibres est à privilégier, par rapport aux matières grasses et aux protéines. Toujours grâce à des expériences sur des rats, la longueur des télomères été positivement corrélée à une alimentation riche en fibres, mais négativement corrélée à une alimentation riche en protéines ou en matières grasses (la réduction de la teneur en protéines de 40% dans l’alimentation des rats a même permis une augmentation de l’espérance de vie de 15%, et à une augmentation de la taille des télomères dans le foie) [4].
Fumer accélère le raccourcissement des télomères et le vieillissement : le fait de fumer en moyenne un paquet de cigarettes par jour, correspond à la perte d’une longueur d’environ 25,7 à 27,7 pb par an, à cause de l’augmentation considérable du stress oxydatif causé par le tabac. En 40 ans, ce chiffre correspondrait à 7,4 ans d’espérance de vie perdue. Il est donc important de réduire sa consommation, voire de l’arrêter pour pouvoir limiter la perte en ADN télomérique et ralentir le vieillissement, ou d’adopter une thérapie anti-oxydative permettant de faire réduire le stress oxydatif [4].
Le stress influe directement sur la taille des télomères : Le stress provoque une libération d’hormones bloquant les protéines antioxydantes du corps, et fait donc monter le stress oxydatif, qui induit le raccourcissement des télomères et une baisse d’activité de la télomérase. Le stress pourrait être responsable d’une perte de l’espérance de vie de jusqu’à 10 ans. Il est donc aussi primordial de faire attention au stress extérieur et à ses conditions de vie afin de lutter contre le vieillissement [4].
Il est ainsi possible de préserver ses télomères en changeant son mode de vie.
Même si aucune thérapie génique n’a pour le moment scientifiquement prouvé son efficacité chez les humains, il semble y avoir des pistes prometteuses en la matière et il ne manque plus que de réelles études scientifiques et précliniques afin de les adapter, et qu’il serait important de voir arriver prochainement compte tenu de l’importance de ces découvertes et du sujet.
Néanmoins, il existe d’autres causes de vieillissement sur lesquelles il est encore nécessaire de travailler avant d’aboutir à des thérapies efficaces pour lutter totalement contre le vieillissement.
SOURCES:
Katidja Allaoui sur http://www.longlonglife.org/
Sources :
[1] Chatterjee, S. (2017). Telomeres in health and disease. Journal of oral and maxillofacial pathology: JOMFP, 21(1), 87.
[2] Blasco, M. A. (2007). Telomere length, stem cells and aging. Nature chemical biology, 3(10), 640-649.
[3] Leri, A., Franco, S., Zacheo, A., Barlucchi, L., Chimenti, S., Limana, F., … & Blasco, M. A. (2003). Ablation of telomerase and telomere loss leads to cardiac dilatation and heart failure associated with p53 upregulation. The EMBO journal, 22(1), 131-139.
[4] Cawthon, R. M., Smith, K. R., O’Brien, E., Sivatchenko, A., & Kerber, R. A. (2003). Association between telomere length in blood and mortality in people aged 60 years or older. The Lancet, 361(9355), 393-395.
[5] Canela, A., Vera, E., Klatt, P. & Blasco, M.A. High-thoughput telomere length quantification by FISH and its application to human population studies. Proc. Natl. Acad. Sci. USA 104, 5300–5305 (2007).
[6] Teyssier, J. R., Ragot, S., Donzel, A., & Chauvet-Gelinier, J. C. (2010). Longueur des télomères dans le cortex des patients atteints de troubles dépressifs. L’Encéphale, 36(6), 491-494.